Description du projet
UN CHEMIN DE FER, UN CHEMIN À FAIRE
Parler du curé Labelle, c’est inévitablement évoquer l’épopée du chemin de fer, principal levier de la colonisation. On raconte que le sujet l’obsédait à tel point qu’un jour, lors d’une confession, il a imposé pour pénitence «un chemin de fer» à une fidèle plutôt qu’un chemin de croix.
«Rien ne me fait tant plaisir que d’entendre parler de chemins de fer, car voyez-vous, les chemins de fer sont un mets si délicieux, si succulent, qu’on ne peut en être rassasié. L’appétit vient en mangeant et plus je goûte aux chemins de fer, plus je veux en avoir. Je puis vous dire que j’en ai mangé déjà passablement et cependant je ne suis pas encore satisfait; cette fois, je suis en appétit et c’est un grand chemin de fer qu’il me faut.» 1
Un paroissien qui, sans doute fatigué d’entendre le curé réciter sa litanie, lui rappela qu’il n’y avait nul besoin de chemin de fer pour aller au paradis. Antoine Labelle répondit : «C’est bien vrai, mais savez-vous ce que Saint Pierre dira à ceux qui arriveront en charrette ? Il leur dira : Vous êtes des imbéciles !» 2
UN HOMME DE PAROLE ET D’ACTION
L’apôtre de la colonisation ne s’est pas contenté de parler du chemin de fer. Il contribua de façon concrète à la création de plusieurs lignes, notamment celle de Montréal – Saint-Jérôme et la ligne Montréal, Québec, Ottawa et Occidental. On disait à l’époque qu’Antoine Labelle était le bras droit de Sir Hugh Allan, le magnat du Canadien Pacifique et président de la Compagnie du chemin à lisses de la Colonisation du Nord de Montréal. Ce dernier reconnaissait le rôle crucial joué par Antoine Labelle dans le développement du chemin de fer de la Colonisation du Nord : «Mon cher curé Labelle, vous avez été content, j’en suis certain, d’apprendre que le contrat pour la construction du chemin de fer de Colonisation du Nord était enfin signé. Ce résultat est en grande mesure dû à votre industrie et à vos efforts infatigables, et s’il y a un homme qui puisse s’attribuer la gloire de cette œuvre, cet homme, c’est vous-même.» 3
En signe de reconnaissance, lors de l’inauguration officielle de la ligne Montréal – Saint-Jérôme, on nomma l’une des deux locomotives «Révérend A. Labelle».
BONNE ACTION ET PROMOTION
Il fut également un astucieux promoteur du chemin de fer, comme en fait foi la célèbre corvée de bois du 18 janvier 1872, une action inédite pour l’époque, alliant charité et croisade publicitaire. Durant le rude hiver 1871-1872, Montréal était aux prises avec une pénurie de bois de chauffage. Le curé Labelle mobilisa des colons de Saint-Jérôme et prit la tête d’un convoi transportant le précieux combustible venant des contrées du nord et l’offrit en aumône aux citadins de Montréal. Lors d’un banquet organisé à l’hôtel Jacques-Cartier en guise de remerciement pour ce généreux geste, il saisit l’occasion pour faire valoir les avantages que représenterait un chemin de fer reliant Montréal aux Cantons du Nord.
Le titre de l’œuvre Un chemin de fer, un chemin à faire traduit bien l’importance que revêtait le chemin de fer dans le grand projet de colonisation. De son vivant, Antoine Labelle n’aura malheureusement pas assisté au déploiement qu’il imaginait pour «son chemin de fer». Il aura néanmoins participé à son développement. L’œuvre est également un clin d’œil à la légende de la chasse-galerie. Dans cette version revisitée de la célèbre histoire, le curé prend place dans la locomotive qui porte son nom et dirige un groupe de colons, de commerçants et d’industriels brandissant un drapeau inspiré du blason de la France vers «son Nord». Survolant les terres déjà habitées, la troupe de hardis pionniers fonce toujours plus haut vers le nord. «Paraîtrait qu’on l’a vu filer dans l’firmament la nuit passée» 4.
Histoire de la province de Québec, III Chapleau, Robert Rumilly.
Banquet donné par les citoyens de Saint-Jérôme lors de l’inauguration
du chemin de fer Montréal, Québec, Ottawa et Occidental à Saint-Jérôme le 9 octobre 1876.
L’Opinion publique, 26 octobre 1876. BAnQ.
«Le chemin de fer que je voudrais voir construit, partirait de Montréal (il est déjà fait jusqu’à Saint-Jérôme) et irait jusqu’au lac Témiscamingue; de là il pourrait se souder aux voies de l’Ouest; de là encore, et ce serait le point le plus rapproché, l’on pourrait pousser un embranchement jusqu’à la Baie d’Hudson. Voilà pour l’Ouest. Du côté de l’Est, qui nous empêcherait de traverser les Laurentides pour arriver jusqu’à la région du lac Saint-Jean ? Notre chemin trouverait là une descente jusqu’à Québec; il pourrait en trouver encore une autre en deçà par le chemin des Piles à Trois-Rivières»
Carte géographique et citation, Notre Nord-Ouest provincial. Étude sur la vallée de l’Ottawa, G. A. Nantel, 1887.
Collection privée Dominique Beauregard.
Locomotive «Lotbinière», la sœur jumelle de celle qui fut baptisée «Révérend A. Labelle».