Le premier épisode de la nouvelle série les pays d’en haut s’ouvre sur une scène musclée où le curé Labelle se mesure à un adversaire dans une épreuve épique de tir au poignet qui se déroule dans l’auberge bondée du village de Sainte-Adèle. La foule exaltée, massée autour des concurrents, hurle des encouragements et multiplie les paris. Le curé remporte la victoire et remet l’argent de la gageure à une mère et son enfant malade.

Certains ont violemment critiqué cette scène qu’ils jugeaient «invraisemblable» alors que d’autres y voyaient au contraire une description réaliste du caractère généreux, bien trempé et combatif d’Antoine Labelle.

Dans les faits, cette scène de fiction trouve un écho dans la véritable histoire du curé Labelle qui, un jour, accepta de jouer aux cartes «à l’argent» à condition que la somme gagnée soit remise à un colon. Arthur Buies cite le curé à ce sujet dans un article paru dans le Nord du 21 septembre 1882 : «Dosithée Boileau devait six cents dollars et n’avait rien pour payer ses dettes. Je le dirigeais vers la Rouge, à deux milles de la ferme d’En Bas. Je dus faire une quête pour lui donner les moyens de s’y rendre. Même je jouais aux cartes à la condition que le gain passerait tout entier au profit d’un colon et j’eus le bonheur de faire dans cette soirée cinq dollars qui devinrent le bénéfice de Boileau.»

À cette époque, un curé jouant aux cartes pour de l’argent était considéré comme une action immorale. Le curé Labelle consentit à cette entorse vénielle afin de venir en aide à l’un de ses chers colons. Labelle s’est-il adonné à des parties de bras de fer? Il y a fort à parier que oui, car nous savons qu’il aimait relever les défis de force qui lui étaient lancés. Il ne devait pas hésiter à rouler la manche de sa soutane et se mesurer aux bûcheux dans une contrée ou, comme le souligne Gilles Desjardins, auteur de la série : «les hommes forts imposaient le respect». 

Gagner le lot est une œuvre hors série de l’artiste Dominique Beauregard inspirée par l’anecdote qui fait l’objet de cette chronique. Acrylique sur toile, format 36 x 30.