On dit que le curé Labelle avait un sens de la répartie très aiguisé. Lors d’une conférence sur le Canada donnée à l’occasion de l’un de ses deux voyages sur le Vieux Continent, il usa d’un argument de poids pour taire les doutes d’un gringalet sur la capacité du Canada à nourrir une grande population.

«M.Labelle donnait une conférence sur le Canada. Les auditeurs étaient nombreux. Le conférencier les avait prévenus qu’ils pourraient, la causerie terminée, lui poser toutes les questions qu’ils voudraient, et , de fait, il répondit à plus d’une. Celle-ci, entre autres, lui fut faite par un petit Français tout maigre et tout court, qui ne pesait guère que cent cinquante ou cent soixante livres, et n’avait au menton pour toute barbe que quelques brindilles espacées : « Pensez-vous, Monsieur le curé, que votre Canada, dont le climat est si froid et si rude, puisse nourrir jamais une population forte et dense ? » — « Mais, mon ami, riposta le curé-colosse (333 livres), n’imaginez-vous pas qu’un pays qui produit des hommes comme moi peut sans difficulté nourrir des milliers d’aigrefins comme vous ? — Le petit homme, qui avait de l’esprit, prit la chose en riant et l’auditoire pareillement.»*

*Le curé Labelle, sa vie et son œuvre, l’abbé Elie-J. Auclair, 1930.