Description du projet

UN JOLI COMMENCEMENT DE CURÉ

Nous devons l’expression Un joli commencement de curé au chevalier Gustave-Adolphe Drolet, ancien zouave pontifical qui a côtoyé le jeune curé Labelle alors qu’il assurait la cure de la paroisse frontalière de Saint-Bernard-de-Lacolle de 1863 à 1868. Cette toile met en scène l’impétueux curé Labelle à l’époque où planait la menace d’une invasion des fenians (nationalistes irlandais). Il avait alors lancé avec fougue: «Qu’ils ne s’avisent jamais de venir par Lacolle, vous me verrez à la tête de la compagnie qui les repoussera !» 1

Le chevalier Drolet raconte dans son livre Zouaviana, cette savoureuse anecdote qui nous décrit le curé, alors dans la jeune trentaine qui, dans un élan patriotique, s’exerce à souffler des sonneries militaires et des appels aux armes dans un monumental clairon en cuivre rouge. On peut imaginer l’effet produit par ce bruyant colosse en soutane, chevauchant sa monture tout en arrachant des plaintes déchirantes à son pauvre instrument.

L’anecdote, bien qu’amusante, se déroule à une période d’incertitude pour les Canadiens français, à tel point que le curé Labelle, lui-même affecté par le contexte de l’époque, a songé, dans un bref moment de découragement, à s’exiler aux États-Unis. Rappelons qu’à cette période, la majorité des terres arables était occupée et labourée jusqu’à la frontière américaine. Poussés à l’exode, les colons canadiens-français tentaient leur chance dans les filatures de coton de la Nouvelle-Angleterre au lendemain de la guerre civile.

Un joli commencement de curé compte plusieurs symboles illustrant l’état d’esprit qui régnait à cette époque à Saint-Bernard-de-Lacolle. La menace des fenians représentée par les trèfles. L’infanterie légère de Richelieu personnifiée par les feuilles d’érable survolées par une formation de bernaches qui suggèrent la fuite de la population vers les États-Unis.

Photo du curé Labelle à l’âge de 31 ans.
Musée McCord.

CITATIONS DE GUSTAVE-ADOLPHE DROLET

À propos du curé à l’aube du personnage qu’il deviendra :
«Messire Labelle, sans avoir les proportions immenses qu’il lui fallut, ensuite, pour loger convenablement son grand cœur d’apôtre, était cependant déjà un fort joli commencement de curé.» 2

Concernant son enthousiasme à jouer du clairon pour fouetter les troupes :
«Il n’y avait que lui pour avoir de ces idées-là. Capitaine, me dit-il, vous n’avez pas de bugler (joueur de clairon) ni de bugle (clairon) ; vous devez souffrir beaucoup, dans le service, de la privation de cet instrument aussi sonore que guerrier. Je passais jadis pour avoir un joli talent sur le cornet à pistons; dans la fanfare du collège de Sainte-Thérèse, lorsque je faisais mes études.» 2

Il s’était même porté volontaire pour en acheter un :
«Je pars pour Montréal, et si ça vous est agréable, je vais acheter un bugle, je rattraperai mon embouchure d’autrefois, j’apprendrai vos sonneries, puis, marchant en tête de votre compagnie je vous sonnerai l’école de tirailleurs.» 2