Par André Bérard

Une récente consultation d’un article du journal Le Nord de 1892, tiré des archives de la Société d’histoire de la Rivière-du-Nord, nous apprend un fait méconnu concernant l’implication du curé Labelle dans une démarche visant à sauver les lots bâtis et défrichés de Sainte-Adèle d’une vente pour arrérages non payés. Quel beau sujet pour l’auteur de la nouvelle série Les pays d’en haut! Le curé Labelle qui dispose à son tour d’un argument lui permettant de faire chanter l’avare en lui promettant d’agir à Québec pour le bien de Sainte-Adèle en échange d’un service. Une scène d’une belle intensité dramatique!

«Souvenir du curé Labelle. Son premier fait d’armes. — Une paroisse qui devra certainement contribuer à l’érection d’un monument au curé Labelle après que Saint-Jérôme en aura donné l’exemple, ce sera la paroisse de Sainte-Adèle.

Il y a 27 ou 28 ans, ce cher curé Labelle venait d’arriver à Saint-Jérôme je crois, Ste-Adèle était dans une grande agitation et dans de grandes inquiétudes. Le Gouvernement local avait ordonné la perception des arrérages d’achat des lots de terre dans tout le Township. On adressa au Gouvernement, requête sur requête, résolutions sur résolutions du conseil municipal, mais tout fut inutile. On envoya alors une délégation de 12 citoyens parmi lesquels figuraient des hommes éminents tels que le maire M. Morin, A. B. Lavallée N.P., Dr Lachaine alors membre de l’Instruction Publique et qui jouissait d’une grande influence. Mais tout cela fut inutile. Le Gouvernement restait inflexible. Le jour de la vente des lots était fixé et une forte compagnie s’était organisée à Montréal pour acheter ces lots tous bâtis et défrichés. Les colons étaient plongés dans la plus grande consternation. M. Dosithée Boileau, conseiller municipal, invite ses confrères et M. le maire à se rendre au presbytère pour supplier M. le curé Dequoy d’aller intercéder auprès du Gouvernement du Québec des faveurs pour les colons. Je suis prêt à accepter votre demande, dit M. le curé Dequoy, pourvu que M. le curé Labelle vienne avec moi, car il me paraît estimer beaucoup les colons et j’ai confiance en cet homme.

Rendu à Québec nos deux curés furent reçus plus ou moins cavalièrement par les employés de la Chambre et les ministres, et on refusa net de faire droit à leur demande. Plus on refusait d’accorder, plus le curé Labelle persistait à demander. Et trois fois par jour, il assiégeait les bureaux. À la troisième journée, fatigué de demander, il se mit à frapper sur les bureaux rasant plus d’une fois le nez de ces pauvres employés, et leur faisant entrer dans la tête tous ses arguments comme à coups de massue. On finit par comprendre et on accorda au curé Labelle tout ce qu’il avait demandé, ce qui apporta le bonheur dans des milliers de familles. »*

*Journal le Nord, 19 mai 1892